Posté par ENO filles le 13 février 2007
Lundi 12 février 2007 - Germaine raconte
Le poil noir et dru, d’épaisses lunettes qui lui faisaient des yeux en pépins de poires (après tout, il avait peut être de grands yeux?), enveloppé (très enveloppé même…) d’une ample blouse blanche, poursuivi par une tenace odeur d’ascaris formolés et de souris chloroformées, c’était notre prof de sciences naturelles. Biologie, physiologie, botanique, tout quoi, on n’avait pas encore reformé le Bac. J’aimais bien M. Masson, mais je n’avais pas la chance que ce soit réciproque. J’adorais les sciences nat. En 1ère année, botanique, Yvonne Guerre et moi avions de beaux cahiers et nous nous régalions à faire des dessins de plantes plus vivants que nature et qui jaillissaient du papier. Au grand désespoir du prof qui, de sa voix tonitruante répétait sans arrêt : « Guerre et Abensour, je n’vous demande pas du dessin d’Art, (prononcer d’Ert, fort accent pointu) « Je vous demande du dessin SCIEN-TI-FI-QUE ! » Et pour appuyer, sa phrase, il claquait contre le bureau de sa grosse chevalière en or. Clac, clac, clac ! Cette chevalière servait également à appuyer les informations intéressantes et à ramener le calme dans une classe surexcitée par les beautés de la Science. Yvonne, de sa petite voix un peu sèche, lui répondait que nous mettions le même temps pour faire un beau dessin, que pour en faire un vilain. Ce qui faisait passer le volume de sa voix (le prof) déjà très vibrante à un niveau supérieur. « Ca n’est pas un vilain dessin, c’est un dessin SCIEN-TI-FI-QUE !!! » Clac clac … sur le tableau en montrant les croquis schématiques qu’il fallait reproduire. Je réussissais pas mal, MAIS, il y avait dans la classe, la DIVINE, l’inatteignable, l’indétronable, celle qui se levait à 5 h du matin pour réviser le bac dans les douches, (Y a t il encore des élèves qui révisent à 5h du mat ?) seules parties de l’école éclairées à cette heure, celle qui savait tout sur tout et même plus, celle qui a réussi à s’en sortir de l’enseignement, celle qui a réussi tout court(comme quoi ca sert à qq chose les profs), bien sur, l’adorée de M. Masson. Je veux parler de Claudine A. L’année du Bac, le 2ème. Nous calculons les moyennes de l’année. Par petits groupes pour éviter les tricheries, le prof nous donne les notes à additionner, mélanger, soustraire moyenne etc.) Puis vient le moment de vérité. Les petites cloisons de plâtre de la classe se transforment en murs de cathédrale et LA VOIX s’enfle, s’enfle, elle traverse le pays et on l’entend probablement d’une frontière a l’autre. « Premier prix ! 20 ! 19 ½ ! 19 ! » La voix s’adoucit. Il coule un œil souriant vers notre «crac » « Claudine ? » « J’ai 18 1/2 Monsieur. » Personne n’attendait autre chose, surtout pas lui. L’ordre était respecté. La voix, forte, affermie soulagée surclame : Premier prix, Claudine A. Je continue ! » Clac! clac! Et, comme s’il avait devant lui un amphi de 500 personnes : « 18 ! 17 ½! » C’est moi ! Je lève un doigt intimidé, peur que la foudre ne me réduise en poudre. « Oh écoutez Abensour ! Clac clac … vous irez à la fin de la classe !» Comment avouer que je n’avais pas envie de faire pipi, que j’avais osé être si près de la divine? Je balbutie: » Euh, bl, je euh … j’ai 17 ½ » La foudre tombe ; mais pas sur moi. «Pardon ? Bon alors, on recommence. Qui a fait sa moyenne. On change. Vous et vous, prenez ses notes» Le regard courroucé… De le voir déstabilisé me redonne confiance. Non, je ne me suis pas trompée. Oui, je suis bonne et j’ai le 2ème prix. Quoi ? Après tout, c’est bien lui qui me les a données ces notes !

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Cet article a été publié le Mardi 13 février 2007 à 11:11 et est catégorisé sous Arts plastiques, Elles racontent...hier, La vie scolaire, Les profs.
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